Perspective Européennes pour les notations environnementales sociales et de gouvernance (ESG)
En Europe, les pressions combinées de l’opinion publique et de la réglementation pour lutter contre le greenwashing dans le secteur financier imposent de nouvelles exigences aux sociétés de gestion et aux investisseurs institutionnels. Ainsi d’un point de vue réglementaire, l’article 29 de la loi Energie- Climat, en France, et la SFDR (Sustainable Finance Reporting Directive), en Europe, obligent désormais les investisseurs à expliquer dans leurs rapports de durabilité comment ils prennent en compte les critères environnementaux et sociaux dans leurs processus d’investissement.
Pour répondre à cette demande, les acteurs du marché dépendent souvent des fournisseurs de données et de leurs scores ESG dont les méthodologies sont parfois décrites comme peu transparentes. En effet, les agences de notation ESG sont régulièrement la cible de critiques portant sur la qualité hétérogène des informations fournies, la faible corrélation des notes d’une agence à l’autre ou encore le risque de conflits d’intérêts, en particulier en raison du rachat d’acteurs spécialisés par de grandes sociétés de notation financière (S&P, Moody’s, etc.) et la coexistence d’activité de conseil et de notation dans une même entité.
Bruxelles est en train de réformer la réglementation des agences de notation ESG, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les agences de notation crédit, qui doivent obtenir une licence auprès de l’ESMA (European Securities and Market Authority), le régulateur européen des marchés financiers, pour opérer sur le sol européen. L’ESMA pourrait également à terme devenir le régulateur des agences de notation extra-financières. Le projet de règlement a pour objectif déclaré de renforcer la fiabilité et la comparabilité des notations ESG en imposant la publication des méthodologies et des processus de notation. Grâce à cette transparence accrue, il sera possible de différencier les agences fournissant des scores et des notations fondés sur la double matérialité de celles n’appliquant que la seule matérialité financière.
La matérialité simple ou matérialité financière prend uniquement en compte les enjeux ESG qui ont un impact sur la santé financière ou boursière des entreprises. Au contraire, la double matérialité intègre à la fois la matérialité financière et la matérialité d’impact. Cette matérialité d’impact va au-delà de la sphère financière et prend en considération les conséquences environnementales et sociales des activités des entreprises. La double matérialité fait partie de l’ADN européen de la notation ESG et c’est l’approche privilégiée par la plupart des agences de notation européennes, comme EthiFinance.
Pour s’inscrire dans cette démarche de réforme européenne, EthiFinance a rejoint la jeune Association Européenne des Agences de Notation Extra- Financière (AEANEF/EASRA) dont la mission est double : faire entendre aux autorités de place la voix de ces agences et défendre dans l’immédiat une économie de moyen et d’organisation adaptée à chaque taille d’agence pour la mise en œuvre de la réglementation. La proportionnalité doit guider le régulateur. L’omettre, c’est explicitement favoriser les géants américains, par ailleurs adeptes de la seule matérialité financière.
Actuellement, le projet présenté se concentre uniquement sur les notations et les scores ESG, sans inclure les fournisseurs de données ESG brutes. On peut s’interroger sur ce choix. Les données brutes étant la matière première des scores et notations ESG, leur qualité conditionne la qualité de ces derniers.
Toutefois, en ce qui concerne les entreprises européennes, la transparence et la qualité des données ESG font l’objet d’un autre texte, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui entrera en vigueur dès 2024. Cette directive prévoit que, dans les prochaines années, jusqu’à 50 000 entreprises européennes devront analyser leurs impacts et leurs dépendances aux enjeux ESG, à travers une analyse de double matérialité. Elles devront ensuite reporter annuellement sur les enjeux retenus comme matériels selon les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Ces dernières recensent les informations à fournir selon quatre piliers : la gouvernance, la stratégie, la gestion des impacts, risques et opportunités et la mesure de performance. Les rapports ainsi publiés devront faire l’objet d’un audit par un tiers indépendant.
La CSRD et les ESRS ont pour objectif de mettre à disposition du marché et du grand public des informations ESG pertinentes, fiables et comparables.
Pour une agence de notation extra-financière, l’accès à ces données standardisées devrait faciliter l’étape – chronophage – de collecte de données. Cela permettra aux analystes ESG de ces agences de concentrer leurs efforts sur l’analyse qualitative et prospective, évoluant ainsi vers la production d’opinions, sur le modèle de ce que font les analystes de crédit.
Ces opinions qualitatives pourront prendre en compte les business models des entreprises analysées dans leur ensemble et les plans de transition éventuellement en place pour répondre aux tendances structurelles ESG et matérielles de leur secteur d’activité.
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Camille Feron
Senior manager EthiFinance